Récit de voyage : de Lanza à la ZAD

Récit de voyage : de Lanza à la ZAD

Article de Thérèse et Aloïs (janvier 2019)

Quelques membres de l’équipe ont profité du temps des vacances pour partir à la découverte de modes de vie sobres et joyeux : l’Arche de Lanza del Vasto proche de Quimper et la ZAD (Zone à défendre) de Notre Dame des Landes.

Après une traversée de la Bretagne en stop, le 3 janvier 2019, nous arrivons au Gwenvez, petit hameau de hangars en restauration et de maisonnettes de bois. Les sacs tout justes posés, la visite nous conduit dans un poulailler et s’achève dans la petite salle commune où commence la prière. Les derniers rayons du soleil éclairent une petite pièce chauffée au poile où siègent une table de bois, deux chaises et une gazinière. Nous nous mettons à genou autour d’une bougie. “Aujourd’hui c’est jeudi, nous prions pour les hindous” nous explique Robert. Déjà des questions émergent et nous ne
manquerons pas de les poser durant le séjour au sein de la communauté. 

L’Arche se situe au Gwenvez, à vingt minutes de Quimper. Composée de familles et de célibataires, la petite communauté marche dans les pas de Lanza del Vasto, philosophe italien. Après sa conversion au catholicisme, à la suite de la lecture de Saint Thomas d’Aquin et de quelques années de recherche de soi, il part à la rencontre de Gandhi en Inde «non par attrait pour les religions exotiques – je m’étais non sans peine converti à la religion de mes pères, mais pour apprendre à devenir meilleur chrétien ». À son retour, après la guerre, inspiré par le modèle de l’ashram, il fonde l’Arche. Pour lui, cet ilot de vie communautaire dans le désastre d’un monde de violence est semblable à l’Arche de Noé dans le Déluge. Cette vie simple est nourrie de la prière communautaire, du travail manuel, des arts et de la non-violence.  

Après une première nuit reposante, le travail nous appelle. Il est temps d’enfiler bottes et gants et d’affronter le gel à la lueur du jour pour ramasser carottes et betteraves dans les champs. C’est l’occasion d’en savoir un peu plus sur la vocation de l’Arche et la vie de ses habitants. “Tout l’enjeu est d’être présent à ce que l’on fait, aux personnes qui nous entourent, à Dieu” explique Benoît en montant sur son tracteur. La cloche sonne, comme à chaque heure. C’est le rappel. Nous déposons outils et légumes et interrompons notre travail pour entrer dans un court instant de silence, à l’écoute de notre respiration, de notre état intérieur, de notre présence à la vie. “La méditation n’est pas la prière. C’est la première étape d’attention nécessaire pour entrer dans la prière” continue Benoît. Nous découvrons ici, au milieu des herbes odorantes, des matières, des goûts, des textures, des couleurs, que le réel et sa beauté sont bien plus perceptibles qu’en ville où rien ne semble nous rappeler que nous appartenons à la terre. 

“La méditation n’est pas la prière. C’est la première étape d’attention nécessaire pour entrer dans la prière”

Les repas sont l’occasion de goûter à la grande satisfaction de déguster le fruit de notre travail. Nous sommes également touchés par la richesse, la joie et la simplicité qui se dégagent de ces visages qui ont choisi la pauvreté laborieuse en communauté, au plus près de la nature. Nous n’avons jamais entendu de leur bouche une parole négative à l’encontre de la société ou de nos modes de vies. C’est par un choix simple et communautaire, renouvelé chaque jour, que chacun avance vers une plus grande unité de vie. Découpe du bois, filage de la laine, confection des vêtements, construction des maisons, travail de la terre, préparation du pain… C’est à travers chacun de ces gestes, répétés sans cesse, que l’on redécouvre la joie d’apprendre et le sens profond des choses lorsqu’elles sont partagées avec d’autres. « Et que l’œuvre de mes mains prépare la tienne. Moi, tu le sais, je vais te prier avec mes mains dans le secret du travail et toi seul sauras mon secret. Et mon travail ce sera ton amour rendu visible. Seigneur, le murmure de mes heures, au rythme de la terre, transforme-le en musique. » écrivait Lanza. Leur plus grande joie c’est de constater que chaque tâche est une occasion d’apprendre, de découvrir plus précisément un cycle naturel, les caractéristiques d’une matière. Apprendre sans cesse et développer ses talents humains. Ce n’était pas le refus d’un monde mais le choix d’une vie pleine.

Le cœur léger et rempli de joie nous reprenons notre route en stop vers la ZAD de Notre- Dame-des-Landes. Nous traversons des petits villages, emmenés par de gentils conducteurs tout aussi curieux que nous de découvrir le bocage. Ce lieu symbolique d’opposition au modèle de croissance capitaliste et terrain d’expérimentation de nouveaux modes de vie a été le théâtre de nombreux affrontements avec les forces de l’ordre ces dernières années. Nous entrons dans la petite ferme de Bellevue où une dizaine de zadistes nous invitent à leur table. Forgeron, menuisier, boulanger, artisan, maraîcher, ces militants et anarchistes aux parcours singuliers ont développé un savoir-faire au sein de la zone et le mettent à profit les uns des autres. Chaque petite ferme s’organise en autonomie, entourée de ses habitants qui logent autour en caravane, tente, tipi, hutte ou yourte. Au sein de la ZAD s’est développé un bouillonnement de vie où chaque personne, selon ses désirs et aspirations, trouve une activité pour prendre part à cette économie non marchande. Nous sommes touchés par l’entraide entre les personnes et leur recherche sincère d’un autre mode de vie, de consommation et d’échange. Pour sortir du système de la valeur marchande, le logement et la nourriture sont à prix libre. Une boulangerie donne une fournée sur deux à une cantine qui aide des personnes dans le besoin, principalement des émigrés à Nantes.

Dans l’atmosphère surréaliste de ce corps de ferme, digne d’un repère de contrebandiers, on nous compte l’histoire du bocage, le projet d’aéroport, les expropriations, la fabuleuse mobilisation et les grandes heures de la ZAD au moment des affrontements. Début 2018 le projet d’aéroport à Notre- Dame des Landes est abandonné par le gouvernement. Les zadistes n’ont plus de légitimité à occuper ces terres. Un plan d’évacuation est lancé en avril mais n’aboutit pas. La préfecture lance alors un appel à projet pour confier les terres à des agriculteurs et faire rentrer les choses dans l’ordre. Les zadistes ne veulent pas en entendre parler. Ils ne veulent pas que ce bocage préservé depuis 50 ans soit intégré dans le système de l’agriculture conventionnelle. Ils désirent que la ZAD reste une zone d’expérimentation qui ne soit pas la propriété de quelques-uns, mais de tous, mise à disposition de tous. Ils créent un fond d’investissement pour racheter l’intégralité de la zone et commencer un projet rassemblant tous les mouvements de la ZAD.

C’est lorsque l’on parle d’unité que le bât blesse. L’opposition au projet d’aéroport avait permis de passer au-dessus des oppositions internes et de faire front commun contre les CRS, identifiés comme la main armée du gouvernement, au service d’une société de consommation. Maintenant que le projet est abandonné et qu’il faut travailler à une vision commune, les différences émergent et la convergence des luttes se transforme vite en luttes non-convergentes entre les vegan, les éleveurs, les agriculteurs, les cueilleurs, les pro-technologies et les décroissants… Les zadistes ne veulent pas d’une société autoritaire, où un individu ou un groupe impose son point de vue aux autres. Chacun doit pouvoir être libre de son action et de sa destinée.

Ils désirent que la ZAD reste une zone d’expérimentation qui ne soit pas la propriété de quelques-uns, mais de tous, mise à disposition de tous.

Mais comment concilier ce désir d’autonomie avec la vie commune que semblent choisir les habitants de la ZAD ? Cette volonté d’auto-gestion peut-elle se réaliser, au-delà d’un petit groupe à une si grande échelle en conciliant toutes les volontés ? Qui sait. Ceux qui sont restés veulent préserver cet esprit : “Le 17 janvier va être un an depuis l’abandon de l’aéroport. Ce jour où on a appris que ce territoire qu’on a défendu toutes ces années ne va finalement pas finir sous une grosse couche de béton. Ce jour où on a vu les efforts d’un mouvement aussi divers que déterminé finir avec une victoire, partielle certes mais quand même. L’année qui a suivi cette date a été lourde : expulsions, répression, divisions au sein du mouvement, des départs des camarades. Ces défaites sont venues entacher cette victoire. Mais on ne va quand même pas laisser cette date passer dans l’oubli ! On vous invite à un goûter à Lama Fâchée à partir de 16h (…) donc amenez vos gâteaux, vos instruments de musique, vos histoires, vos idées, vos tristesses et vos joies” ZAD News du 7 au 14 janvier.

Face à ces questions, nous relisons en creux la richesse de l’Arche du Gwenvez. La vie communautaire, fondée sur l’enseignement précis de Lanza permet à chacun d’adhérer librement au projet, de suivre son enseignement, de renoncer à soi-même, sans perdre sa liberté par l’acceptation d’une règle commune, ajustée par un vote à l’unanimité. L’obéissance commune à une règle choisie librement, nous a permis de trouver facilement une légitimité et une place en tant qu’accueillis au sein de la communauté. 

Ces deux expériences mise en perspectives nous invitent à nous demander quel témoignage de communauté les chrétiens sont appelés à donner aujourd’hui ? Comment articuler ce désir juste de liberté individuelle inscrite en l’homme et sa vocation à la vie commune et partagée qui nécessite un certain renoncement à soi-même ?

Quelle utilité pour la théologie de la libération aujourd’hui ?

Quelle utilité pour la théologie de la libération aujourd’hui ?

Résumé de la conférence de Foucauld Giuliani au Dorothy (8 novembre 2018)
Cycle Théologie Politique

Dans les années 70, en cette période d’immixtion des Etats-Unis dans les affaires des pays sud- américains et de diffusion du marxisme, des membres du clergé s’inquiètent de voir des parties du haut clergé nouer alliance avec les élites rentières et ressentent le besoin de développer une pensée théologique nouvelle : ce sera la théologie de la libération. Cette théologie veut poser à nouveaux frais la question de l’action sociale et politique à mener en tant que chrétiens. Le principal représentant de ce courant théologique est Gustavo Gutierrez, prêtre et intellectuel péruvien. La théologie de la libération a été accusée de marxisme et d’instrumentalisation de la foi. Nous pensons plutôt qu’elle nous permet d’éclairer des aspects de l’expérience de foi et qu’elle détient une dimension pratique qui est précieuse. Gutierrez met en lien les idées de révolution, de communion et de libération. La libération, processus de lutte contre une injustice, n’est pas un procédé systémique sans enracinement spirituel mais une organisation collective au sein de laquelle les personnes engagées font l’expérience de la communion fraternelle et de la promesse biblique d’un Dieu combattant aux côtés des pauvres.

Cette théologie veut poser à nouveaux frais la question de l’action sociale et politique à mener en tant que chrétiens

La communion est aussi l’horizon de la libération. Il y a libération révolutionnaire quand les personnes libérées utilisent leur liberté nouvellement acquise dans le sens d’un renforcement des liens communautaires, non quand ils font usage de leur liberté pour se venger de leurs anciens oppresseurs. Cette conception de l’action suppose une Eglise qui assume un rôle particulier : dénonciatrice de l’injustice, lieu de conscientisation des aspects sociaux du péché et de mobilisation collective. Cela implique la constitution, au sein des paroisses, de communautés de prière, de réflexion et d’action en prise sur la réalité locale vécue. La théologie de la libération a légué au corpus de la Doctrine Sociale d de l’Eglise les concepts clés de « structure de péché » et d’ « option préférentielle pour les pauvres ». On peut lui reprocher une certaine confiance dans l’histoire, souvent perçue comme intrinsèquement portée vers le progrès des conditions de vie. En effet, dans le christianisme, l’histoire n’est pas le lieu d’une amélioration continue mais plutôt le théâtre d’un affrontement perpétuel entre des forces traversant non seulement les personnes mais aussi les sociétés.

Dieu sans maître : une présentation de l’anarchisme chrétien

Dieu sans maître : une présentation de l’anarchisme chrétien

Conférence d’Adrien Boniteau au Dorothy (18 octobre 2018)
Cycle Théologie Politique

« Tout pouvoir vient de Dieu ». C’est ainsi que la chrétienté a justifié, de manière générale, une obéissance quasi-absolue du chrétien aux régimes politiques existants. Pourtant, lorsque nous revenons aux sources bibliques, l’appréciation du pouvoir semble beaucoup plus nuancée, voire même critique. Si un certain nombre de passages pourraient laisser penser que l’obéissance du croyant au pouvoir est bienvenue — d’après une lecture souvent superficielle —, la plupart des textes bibliques s’opposent radicalement à toute forme de pouvoir. Ces passages critiques arguent du fait que, l’obéissance à Dieu étant absolue et exclusive, le croyant doit se soumettre à Dieu plutôt qu’au pouvoir : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac. 5, 29). Bien plus, la volonté d’exercer une charge politique est dénoncée comme une impiété, comme une tentative de se mettre à la place de Dieu : « Je ne dominerai point sur vous, et mon fils ne dominera pas sur vous ; car l’Éternel dominera sur vous » (Jg. 8, 23), ainsi que le déclare Gédéon. Jésus ne dira pas autre chose : « Ne vous faites pas appeler maîtres, car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. […] Ne vous faites pas appeler chefs, car un seul est votre Chef, le Christ » (Mt. 23, 8-10). Comment alors comprendre les passages bibliques qui semblent donner une vision plus positive du pouvoir ? Il convient de ne pas les extraire de leur contexte d’énonciation mais de les étudier à la lumière de la pensée de leur auteur.

” L’obéissance à Dieu étant absolue et exclusive, le croyant doit se soumettre à Dieu plutôt qu’au pouvoir “

Ainsi, bien que Paul de Tarse admette qu’« il n’est d’autorité si ce n’est de par Dieu » (Rm. 13, 1), il n’en insiste pas moins, à l’instar de Jésus, sur le fait que l’obéissance à Dieu est exclusive de toute autre obéissance (1 Cor. 8, 4-6). En fait, il faut interpréter l’obéissance aux autorités prônée par Paul comme la conséquence de la nature déchue, pécheresse, de l’homme, comme le résultat de la nécessité à laquelle il est assujetti en tant que pécheur. Or le croyant est justement affranchi de cette nécessité par la liberté en Christ, qui « a dépouillé les dominations et les autorités, et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d’elles par la croix » (Col. 2, 15). Dès lors, pour le chrétien, l’obéissance ne revient plus aux autorités humaines, mais au Christ qui l’a délivré de leur pouvoir. Jésus étant son « seul maître et seigneur » (Jd. 4), le chrétien peut ainsi s’écrier : Dieu sans maître car Dieu seul Maître !

Dorothy Day et la pauvreté

Dorothy Day et la pauvreté

Conférence au Dorothy (11 octobre 2018)
Cycle découverte de Dorothy Day

Jeudi 11 octobre nous avons parlé de Dorothy Day et de ce qu’elle a vécu et pensé sur la pauvreté. Dorothy Day (1897-1980) journaliste de vocation, a été une militante  pour la justice toute sa vie, d’abord fortement influencée par la pensée marxiste, puis, après sa conversion, mue par l’Evangile, qu’elle s’est donné pour mission de mettre en pratique. Fortement marquée par les idéaux pacifistes et anarchistes dans lesquels elle a baigné pendant sa jeunesse à New York, elle a fondé le Catholic worker, un journal dédié à la diffusion de la pensée sociale de l’Eglise, qui s’est transformé très vite en un réseau de maisons d’hospitalité pour les sans-abris, aux Etats-Unis, et qui existent aujourd’hui dans 27 pays à travers le monde.

Grande lectrice et admiratrice de Saint François d’Assise, Dorothy voyait la pauvreté volontaire comme un moyen de refonder une société fondée sur l’Evangile : seule une adhésion pleine et entière à la pauvreté au sens franciscain, c’est à dire la sobriété qui rend heureux, joyeuse et contemplative, peut permettre de retrouver le sens de la communauté et de proposer des formes de vie sociale susceptibles de rendre bons les hommes.

Mais peut-on vouloir que les autres soient pauvres aussi ? Non, au contraire, il faut lutter contre la pauvreté subie. Durant toute sa vie D.D a cherché à établir ce qu’elle appelle une “Philosophie du travail”. La misère matérielle commence souvent par l’aliénation au travail, et conduit à la misère spirituelle. Ce n’est évidemment pas la misère que Dorothy défend comme mode de vie : vivre pauvre au sens franciscain, ce n’est pas mourir de faim, ni être dans le besoin permanent. C’est une pauvreté où le nécessaire est comblé : un travail, une famille, une terre à cultiver, de quoi se nourrir. C’est un anti-capitalisme radical, ou plutôt un anti-consumérisme, c’est l’appel radical de l’évangile et de St Paul que Dorothy prend à la lettre et, fait rare parmi tous les théoriciens anarchistes, qu’elle a mis en pratique.

Dieu sans maître : une présentation de l’anarchisme chrétien

À quoi bon la théologie politique ?

Conférence du professeur Bernard Bourdin au Dorothy (4 octobre 2018)
Cycle Théologie Politique

Un cycle de conférences sur le thème de la théologie politique. Qu’est-ce à dire ? En tant que chrétiens, nous nous posons la question de l’articulation entre notre foi et nos choix politiques, entre la religion chrétienne et les pouvoirs publics. Être chrétien, c’est se sentir responsable de son prochain et donc investi dans la vie politique. Mais c’est aussi reconnaître comme seul vrai pouvoir celui de Dieu : aussi le christianisme a une vertu subversive face aux pouvoirs politique, que nous pouvons avoir tendance à oublier, et que certaines théories politiques ont pu totalement occulter. Nous ne sommes plus à l’ère de la théocratie ; au contraire nos démocraties libérales se présentent comme neutres, avec comme seule “valeur” consensuelle les droits de l’homme. Pourtant, n’y aurait-il pas des restes de sacralité dans nos institutions “neutres”? Est-ce que le capitalisme que nos Etats semblent encourager ne cherche pas à prendre possession de nos corps et de nos esprits, comme une autre forme de divinité ? Pour éviter cette aliénation inconsciente, faut-il faire ressortir Dieu de la sphère privée ? Et si oui, comment, par quels moyens, dans quel but ?

“Le christianisme est une éthique, pas une politique”

La première conférence nous a été proposée par Bernard Bourdin, professeur à l’Université catholique de Paris, sous le titre “A quoi bon une théologie politique ?” Le professeur Bourdin a commencé par mettre en valeur la déchirure chez le chrétien d’aujourd’hui entre sa dimension de croyant, qui place Dieu au centre, et sa dimension de citoyen, dans des États qui se présentent comme métaphysiquement neutres. Pour faire face à ce conflit, il nous a proposé sa solution d’un “civisme chrétien”, consistant à s’engager pour le bien commun en défendant la démocratie libérale qui est la nôtre. Car pour lui, cette forme politique qu’est la démocratie libérale, est indépassable : elle est née dans les sociétés de culture chrétienne, à la suite du Christ qui a refusé la royauté et le pouvoir politique. De même que Dieu laisse sa liberté à l’homme, un régime politique chrétien est un régime qui laisse sa place à la liberté de conscience personnelle. Pour autant, cela ne revient pas au relativisme et à dire que toute référence à une vérité transcendantale est inutile et à bannir dans le cadre politique : au contraire, comme le dit Tocqueville, la religion apporte de la stabilité à la démocratie. Alors le rôle du chrétien est de féconder le débat public en y apportant l’éthique évangélique. Car le christianisme est une éthique, pas une politique. Le cadre des Etats-nations est idéal pour un chrétien puisqu’il propose de dérouler un discours universel dans un espace particulier (la nation), avec sa culture propre, son histoire, ses traditions. S’en est suivi un débat virulent sur “la nation”, vue comme une nécessité par le professeur Bourdin, mais critiquée comme un archaïsme non nécessaire (voir dangereux) par une partie du public. Un débat qui devrait se prolonger pendant les prochaines séances…

Nos conseils de lecture pour approfondir :
Saint Augustin, Cité de Dieu
Emilie Tardivel, Tout pouvoir vient de Dieu – un paradoxe chrétien