vendredi 7 février 2020 | Conférence
7 février 2020
Conférence avec la communauté de l’Arche du Gwenves
Une soirée sur les traces de Lanza del Vasto pour découvrir la communauté de l’Arche fondée en 1948 dans le but de “créer, au cœur des nations, des îlots de vie fraternelle” et “d’opposer leur paix à l’agitation du monde”.
La communauté de L’Arche du Gwenves est une petite fondation communautaire en terre bretonne, proche de Quimper, qui a pour originalité de revenir aux textes sources de l’Arche. Prière et travail en famille, non-violence en sont les grands axes. Depuis une douzaine d’années, la communauté a mis en place une économie rurale et artisanale qui lui permet de construire petit à petit les maisons. Ils accueillent dans la mesure de leurs possibilités tous ceux qui désirent découvrir leur communauté et leur mode de vie.
vendredi 7 février 2020 | Conférence
7 février 2020
Cycle Philosophie et religion (1/3)
Conférence avec Jean-Noël Dumont, professeur de philosophie
Parler de Kierkegaard, c’est traiter du rapport entre la raison et la foi. Son rôle de fondateur de l’existentialisme est discuté mais on peut lui reconnaître d’avoir utilisé en premier tous les termes fondamentaux de l’existentialisme – subjectivité, décision, temporalité, existence.
1. La vérité c’est la subjectivité
‘La vérité c’est la
subjectivité’. Cette affirmation est à la fois la plus célèbre et la
moins bien comprise de Kierkegaard. Attention à ne pas entendre par là
que la vérité est subjective mais, et c’est bien plus fort, qu’il n’y a de
vérité que pour autant que le sujet s’y engage, que le sujet y adhère et que je
l’incarne dans ma vie. Cette phrase a trois conséquences radicales.
Premièrement je ne peux pas déléguer le rapport à la vérité à un autre, à un
autre qui aurait le devoir de la chercher pour moi. La vérité qui sera mienne
est d’abord ma tâche. C’est à moi de m’y atteler, de la chercher. Cela
implique aussi que le comment importe plus que le quoi, que le contenu
objectif. Ce qui importe ce n’est pas tant ce que je dis, que la manière ou le
chemin par lequel je suis parvenu à considérer cela comme la vérité. Pour finir
si quelqu’un dit la vérité par contrainte, par peur ou par hypocrisie, peut-on
vraiment considérer qu’il dit la vérité ? Ainsi ce n’est pas une phrase
qui est vraie, mais c’est plutôt la phrase en tant que le sujet qui la prononce
a parcouru le chemin qui lui permet d’en être le témoin et qu’il peut témoigner
du fait qu’il la incarnée dans sa vie.
Qu’est ce alors d’être le témoin
de la vérité ? Pour Kierkegaard, il importe à un homme de se justifier.
Cette justification ce serait un
témoignage du chemin qu’il a parcouru pour arriver à une vérité et dont il a
éprouvé les hésitations, épreuves, etc.
Distinction entre vérité objective et vérité en
tant que subjectivité
La vérité objective exige
que le sujet fasse le plus grand retrait possible de lui-même lors de la
recherche comme par exemple pour la vérité recherchée dans une enquête
policière. La vérité alors n’est qu’une généralité. Les seules vérités
objectives que nous pouvons atteindre sont alors celles qui nous importent le
moins. La vérité objective ne nous donne que du général et du probable ou du
possible et des propriétés. On peut penser aux vérités scientifiques,
démontrées universellement. Elles n’atteignent jamais la réalité singulière et
individuelle ultime d’une personne, d’un être singulier. Les démarches
scientifiques par exemple n’atteignent que les propriétés des choses, jamais
leur réalité singulière. D’ailleurs dire « je connais quelqu’un » en
utilisant le terme de ‘connaissance’ consiste à ne savoir de lui que des
généralités (ex : ennéagramme).
Pour Kierkegaard, la vérité est toujours subjective et de ce fait toute vérité au bout du compte implique une décision personnelle de s’y engager. Dans le cas d’un juge dans les tribunaux – il aura beau avoir tous les documents du monde, les preuves, il faut une décision personnelle du juge sur un cas particulier.
2. La foi est décision
Le seul point de passage entre le possible et le
réel, c’est moi, c’est ma décision. La décision n’est jamais le résultat
d’un calcul, elle ne peut être qu’un engagement. St Pierre lorsqu’il reconnaît Jésus
lui dit «Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers
toi sur les eaux.» Mt, 14.28. Face à un appel, je
suis le seul gage, je suis le seul qui peut gager, personne ne peut faire le
saut à ma place, ni fournir de preuve à ma place.
La décision n’est pas de croire que Dieu existe. La
décision c’est de croire en Dieu. La foi c’est donc la différence entre
«croire que» et «croire en». Ce n’est pas seulement de croire en un contenu
objectif, mais c’est d’engager sa vie entière dans cet appel.«La foi, c’est
l’incertitude objective appropriée fermement par l’intériorité la plus
passionnée, voilà la vérité, la plus haute vérité qui soit pour un existant»[1]. Sans
risque, pas de foi. La foi est justement la contradiction entre la
passion infinie de l’intériorité et l’incertitude objective. Si je peux saisir
Dieu objectivement, je ne crois pas, mais justement parce que je ne le peux
pas, il faut que je croie. Et si je veux conserver la foi, je ne dois pas
cesser d’avoir présent à l’esprit que je maintiens l’incertitude objective. Je
suis dans l’incertitude et pourtant je crois.
« La conclusion de la foi n’est pas une conclusion mais une décision et c’est pourquoi le doute se trouve exclu »[2] – La foi n’est pas la conclusion mais l’initiative du sujet face à un appel qui le traverse. Ainsi la foi, c’est le passage du possible à l’effectif. Cela nécessite de passer du peut-être à l’être dans la mesure où je suis suffisamment passionnée dans mon désir.
3. La foi est un saut qui retombe sur ses pieds
Pourquoi la foi est un ‘saut’ ? La foi est un saut
car elle exige que je lâche la preuve
Kierkegaard ne dit pas que la foi
est sans preuve mais qu’avoir la foi consiste à lâcher la preuve car tant que
je tiens la preuve, je reste dans le possible et non dans le réel. Kierkegaard
n’est pas pas un irrationaliste qui affirmerait qu’il n’y a pas de preuves de
la foi, mais pour lui tant que j’ai la preuve, je n’ai pas la foi car j’ai des
certitudes.
Le jouet du culbuto illustre bien
cette tension. Le culbuto se relève toujours mais il faut que je le lâche pour
qu’il puisse se relèver. L’acte le plus fort de la liberté consiste à
laisser être.
« Aussi longtemps que je
la tiens en main, l’être de fait ne surgit pas (…) mais mon acte de lâcher est
aussi quelque chose. Ne doit-il donc pas entrer aussi en ligne de compte ce
petit instant, si petit soit-il (….) si petit soit-il, même réduit à
l’instantané, il doit compter »
Croire c’est ‘vivre en fonction de’, c’est engager toute
sa vie suite à cette décision. La croyance est un stade provisoire de la
connaissance mais pas la foi. La foi n’est pas un degré du savoir, d’ailleurs
je peux savoir même la chose la plus certaine et ne pas croire – ex :
savoir que fumer tue ne m’empêche pas de fumer.
L’acte de foi par lequel je lâche le probable est ce qui peut donner de la couleur et de l’intensité à chacun des instants vécus → Nous ne perdons pas en saveurs du monde ce que nous avons lâché en possibilités, mais nous le gagnons ! Je gagne en réel ce à quoi j’ai renoncé en possible.
Quelles précisions pour la
route
Mais alors
quel est le contraire du péché ? Ce n’est pas la vertu, mais c’est la
foi !
Peut-on
s’approprier la vérité en refusant la confiance ? Oui, c’est l’exemple
donné par le Christ dans la parabole des talents. Chacun des trois hommes
reconnaît le maître, cependant deux seulement font le saut de la foi et lui
font confiance : ils entreprennent avec leurs talents et peuvent en rendre
le triple ou le double au maître à son retour. Le troisième au contraire, lui
connaît le maître mais ne lui fait pas confiance. Il cache son unique talent de
peur de le perdre et finalement ne le fait pas fructifier.
Il y a-t-il une
différence entre le désir infini et la foi ? Oui, le désir infini peut
être attribué à la mélancolie. Il ressemble à la foi mais s’en distingue, car
c’est un acte de foi inachevé, caractéristique du romantisme. Cependant ce
désir infini est un faux ami de la foi car la foi consiste à faire l’expérience
réelle de l’infini dans le fini.
Quels sont les liens entre
Pascal et Kierkegaard ? Pour Pascal, l’homme aime deux choses,
lui-même et l’infini. Cependant il a rejeté l’infini et se cogne dès lors à
toutes les parois du fini. Si je gagnais en fini ce que je rejette de l’infini,
ce serait une bonne opération mais dans les faits, ce que je perds en infini me
reste comme un plaie, une blessure.
Dieu ne sait compter que
jusqu’à UN
[1] Post-scriptum aux Miettes philosophiques. Sören Kierkegaard
[2] Les miettes philosophiques. Sören Kierkegaard
jeudi 30 janvier 2020 | Conférence
30 janvier 2020
Cycle Mourir au XXème siècle (2/3)
Conférence avec Adeline Valot et Coralie Trouvain, deux psychologues cliniciennes, travaillant auprès de patients en EHPAD et en service de réanimation
La mort vient par à-coups dans le débat public pour envisager à l’emporte-pièce le bien penser d’un droit à vivre ou d’un droit à mourir, et le manque de nuance, les emportements et la rigidité des débats confirment la symptomatologie : la mort nous confronte à de l’impossible. La mort d’un père, d’une mère, d’un frère, d’un conjoint, d’un enfant… la mort de l’autre, sa propre mort, notre propre mort, de diverses manières et au sein de divers attachements, viennent convoquer la vie par ce scandale de la disparition.
Si l’Humanité travaille cette question tout au long de son Histoire, il semble que les progrès médicaux et les évolutions socio-économiques de notre société, bousculent le rapport du sujet à la mort : qu’est-ce qu’être mort maintenant que la médecine réanime si efficacement, maintenant que l’arrêt du cœur ne fait plus limite ? Qu’est-ce qu’être en vie maintenant qu’être mort est devenu si confus, et ce, dans le savoir médical lui-même ? Que fait-on de notre angoisse ontologique face à la mort quand le progrès semble conforter l’illusion toute puissante de notre immortalité ? Et ainsi, est-ce que les Hommes vivent plus vieux parce qu’ils ont été mieux nourris, mieux soignés ou parce qu’il est devenu difficile de partir ?
Le paradoxe se pose donc ainsi, alors que nous accompagnons nos aînés dans le déploiement fait maintenant d’infinies nuances et d’innombrables paliers vers la fin de vie, pourquoi nos concitoyens, eux, au contraire, en pleine santé, revendiquent un droit à mourir et veulent le poser sur papier, en informer leur enfants, ou fantasmer sur un départ en Suisse ou en Belgique ? Pour être bien sûr de pouvoir mourir, ou s’assurer qu’ils auront une « belle mort » ? Ou pour remettre de la maîtrise où l’Humanité touche encore sa limite… ou joue avec les limites ?
Si les cliniques de la réanimation et celle des personnes âgées parlent toutes les deux de la mort, que la question de l’« acharnement thérapeutique », peut-être sémantiquement maladroitement devenu l’« obstination déraisonnable », cherche à nommer des vies prolongées par excès et pourtant aussi des vies sauves, la recherche de sens et les mouvements inconscients poussent à penser la façon dont la mort travaille notre société. Comment mourir aujourd’hui ? est une question qui provoque car elle semble concerner les désirs avoués de suicide assisté alors qu’elle vient peut-être plutôt convoquer chacun dans ce qu’il veut construire d’une possibilité de mourir pour soi et ses proches, pris entre l’irrationnel désir de vie et le drame de la condition humaine… le tout dorénavant flouté par les paradoxes du progrès.
Si ces considérations pourraient chercher des réponses dans des recherches métas et philosophiques, elles sont nées et vous sont proposées par l’expérience de les cliniques respectives de psychologue : Coralie Trouvain dans des services de réanimation et Adeline Valot en EHPAD, en service pour personne Alzheimer et en soin à Domicile. L’explicitation de l’accompagnement des malades, des familles et des équipes soignantes – triptyque commun et exemplaire dans l’écoute des phénomènes inconscients – se proposera de rendre visible certains mouvements à l’œuvre et d’amorcer des réflexions sur la mort, et surtout nous l’espérons, de soutenir le doute.
jeudi 19 décembre 2019 | Conférence
19 décembre 2019
Conférence avec Marie Leduc Larivé, éditrice et étudiante en théologie, Valentine Rinner, étudiante en théologie et Anne Waeles, agrégée de philosophie.
On ne peut que constater l’écartèlement actuel entre réalités ecclésiale et sociétale sur le plan de l’existence sexuée, mais aussi les mobilisations présentes autour de la question : mise en lumière des violences sexuelles et sexistes, réflexion autour de la place des femmes dans l’Eglise et les ministères… Une conférence où se posent les questions suivantes : qu’est ce que le féminisme a à apporter au christianisme ? Et qu’est ce que le christianisme a à apporter au féminisme ?
jeudi 28 novembre 2019 | Conférence
28 novembre 2019
Cycle Féminismes et libéralisme (2/3)
Conférence autour de Lorraine Questiaux, déléguée bénévole pour le plaidoyer au Mouvement du Nid, membre du Parti Communiste, féministe universaliste – lutte des classes, avocate (spécialisation sur les violences faites aux femmes)
La prostitution est à l’intersection de toutes les formes de domination : de classe, économique, de genre, de race. C’est par mon engagement anticapitaliste que je me suis intéressée à la question de la prostitution.
Nommer
la réalité
Il y a un enjeu de nommer les choses. En
droit, pas de définition de la prostitution.
Dans les situations où sont étalées des
situations de violence sexuelle « innommables », le seul terme qu’on
utilise c’est le terme « prostitution ». Comme si le terme
prostitution banalisait l’horreur de ce qu’on voit (on est en face de crimes
contre l’humanité et on reste avec ce terme « prostitution »).
Il faut déconstruire le concept de
prostitution, par une approche matérialiste, anticapitaliste : partir de l’empirique
pour décrire le réel.
Le terme de prostitution a une fonction
sociale : nommer par un terme spécifique des violences qui sont de l’ordre
du viol. La personne qui se prostitue peut consentir à renoncer à son désir,
mais elle ne désire pas la relation, sinon il n’y aurait pas de relation
tarifée. Quand il y a de l’argent, il n’y a pas de symétrie. L’argent ôte la
symétrie
La définition du viol, c’est une pénétration sexuelle obtenue sous contrainte, violence, menace ou surprise. La prostitution entre dans la définition du viol. Ce sont des violences sexuelles aggravées, à l’encontre de personnes qui viennent de catégories sociales défavorisées, il y a aussi une violence de classe et de race. Pour les personnes les plus pauvres ce n’est pas un crime, c’est qualifié de prostitution. Pour les autres, c’est qualifié de viol.
La prostitution est l’aboutissement du
projet capitaliste
Le système patriarcal est à double face, d’un
côté les « saintes », pour les femmes pures, blanches (qui sont
victimes de viol), et de l’autre les « putes », elles sont
responsables de leur condition et le veulent (situation normale, prostitution).
Les femmes victimes de prostitution intègrent
leur domination, et par le mot de « prostitution » l’empathie va être
rompue. On invoque le fait qu’elles ont le choix. Mais pour la sexualité comme
dans le langage, lorsqu’il y a asymétrie, il y a violence.
Il
faut faire disparaître ce concept de « prostitution ». Les femmes
disent consentir « parce qu’elles n’ont pas le choix. » C’est une
intégration de la domination, qui est présente même dans les réseaux de traite,
où les femmes disent travailler. Cela est dû à un phénomène
de dissociation, qui est lui-même une forme de réaction, de protection, face à
la violence subie.
Par l’introduction d’argent, la personne est réifiée. « Pour de
l’argent, je peux faire ce que je veux de ton corps ». C’est très destructeur sur le plan psychologique. Les violences
sexuelles à répétition non-désirées, et le fait de perdre sa liberté dans la
soumission cause des psychotraumas, qui sont à la base de maladies, et de la
réduction de l’espérance de vie (notamment du fait du taux de suicide).
On est face à une exploitation intégrale de
la force de l’être humain, c’est l’aboutissement du projet capitaliste.
La liberté est de pouvoir exercer son désir,
pour être maître et agissant. Renoncer à son bien-être ce n’est pas la liberté.
« La prostitution rapporte plus d’argent
que la drogue », le projet abouti du capitalisme serait de nous prostituer
tous.
On invisibilise le réel, par la réglementation comme « travail du sexe ». On décriminalise la
prostitution et on fait entrer dans le code du travail le viol, la
violence sexuelle. On fait sortir quelque chose du droit pénal pour le faire
entrer dans le droit du travail. On sacralise l’idée que le travail peut être
du viol. Les luttes pour les droits sociaux et la protection des plus
faibles dans le travail est retournée par cette demande de légalisation du
« travail du sexe ».
Le mot de « prostitution » permet de
banaliser, de rendre acceptable, glamour même un fait largement antisocial.
Le concept de prostitution est créé pour rendre invisible quelque chose qui normalement ne le serait pas. Quand on gratte,on réalise la réalité. Par exemple, les femmes nigérianes que je rencontre, disent au départ « I went to work », puis quand on creuse c’est un autre discours.
La domination masculine
On est
en train de renoncer aux droits fondamentaux comme droits universels. Si on
n’est pas capable de défendre ces droits universellement, on y renonce. Créer
un droit dérogatoire est dangereux. Il n’y a pas de droit dérogatoire. Ce qui est bon pour tout le monde est bon pour une
minorité. On entre en société pour que chacun d’entre nous puisse avoir des
droits respectés. Si on ne nomme pas les situations, les crimes, par leur nom,
« on collabore ».
Quand le client vient, il vient parce qu’on
lui a donné un privilège, il est homme, il est riche, il vient abuser de ce
privilège. Dans la prostitution comme dans tout viol, l’homme vient consommer
une relation d’asymétrie. Il ne vient en aucun cas faire du bien à la personne
et la respecter. Il vient imposer son désir parce qu’il en a les moyens.
Il faut éviter les clivages entre d’un côté
une prostitution issue de la traite, de la mafia, et où la contrainte est
évidente, et de l’autre une prostitution libre de personnes ayant la
nationalité française et en totale capacité de prendre ses décisions. Ce sont
les même schémas de domination et de contrainte. Même s’il existe un
mécanisme compréhensible de refus d’être victimisée. Les mêmes mécanismes sont
présents dans les violences faites aux femmes (on se dispute, il m’a cogné un
peu fort…). Il y a un refus du statut de victime
parce qu’il est mortifère
Le roman de la prostitution choisie,
autonome, voire émancipatrice se casse souvent un peu la gueule quand on entre
dans la relation avec la personne.
La question du libre-arbitre, du choix, est
centrale. Comment se fait l’ancrage dans des situations de violence ou
d’exploitation ? « On ne nait pas dominé, on le
devient. » Il y a un conditionnement à devenir un objet sexuel dès le
berceau, la femme est éduquée avec l’idée qu’elle n’a de valeur que si elle
fait plaisir à l’autre.
C’est un corollaire du système
d’exploitation : on a accolé au terme de « victime » des termes
négatifs, des notions de responsabilité de sa propre condition. Personne ne
veut être victime alors que se reconnaître victime c’est reconnaître qu’on est
victime de quelqu’un et retrouver sa liberté. C’est prendre conscience qu’on
vit dans une société de domination.
Être une victime devient presque pire que d’être un agresseur
dans l’imaginaire collectif.
L’illusion qui est proposée : en affirmant la possibilité de consentir à une domination, on ferait disparaître la domination. C’est l’idée que dès lors que l’on consent à une domination, elle disparaît. Mais pour qu’un système de domination puisse fonctionner, il ne doit pas fonctionner sur la violence, mais il faut que les victimes puissent consentir à leur propre exploitation. Voire qu’ils appellent leur domination liberté. Dans les deux cas il y a domination, c’est simplement que l’on passe du rapport de forces au consentement.
Quid
de la pornographie ?
80% des images montrent des hommes qui violentent des femmes, sont des pénétrations forcées. La pornographie est accessible dès l’âge de 8 ans. Ce sont toujours les mêmes scènes, et de plus en plus violentes, pour titiller des zones traumatiques. La pornographie présente un sexualité stéréotypée. Elle est un outil qui a des effets destructeurs, qui a des incidences graves sur le rapport à l’autre (cf rapports de l’OMS, cause des psychotraumas). Le capitalisme extorque aux hommes et aux femmes le droit d’aimer, le droit d’avoir de l’empathie : il faut commencer par arrêter de l’appeler « pornographie ».
Les lois de pénalisation des
clients ne sont-elles pas contre-productives ?
Dans plusieurs pays où existent de telles lois, des
changements sont perceptibles dans les violences faites aux femmes. C’est une
étape, qui doit aller avec des programmes d’éducation et de sensibilisation, et
s’inscrire dans une volonté politique générale de supprimer le système
prostituteur. En Suède, il y a des changements depuis depuis la loi de
pénalisation (accompagnée de programmes d’éducation et de sensibilisation). En
Nouvelle-Zélande aussi la traite a énormément baissé.
En Allemagne, il y a une distinction entre personne victime
de traite et personne libre. C’est une catastrophe. Si la personne ne vient pas
dire qu’elle est une victime de traite elle est considérées co libre. Les
personnes qui sont victimes de traite ne peuvent pas parler librement, c’est
quasiment impossible de mettre à jour des situations d’exploitation de part cette
distinction.