Le cycle
Au Dorothy, comme ailleurs, le développement rapide de ces technologies nous pose question. Entre l’écueil de la fascination béate et celui du dénigrement péremptoire, nous avons choisi d’accorder à ce sujet du temps et de la réflexion. Avec une double ambition : déconstruire les mythes véhiculés par l’industrie et pointer les véritables enjeux, bien souvent politiques, que soulèvent ces technologies.
Les dates
avec Mathilde Saliou, journaliste : https://fb.me/e/2WkqWO28N
1. Les dessous de la machine
Avec Louis Béziaud, chercheur en informatique
Quelques échanges avec ChatGPT suffisent à se demander s’il restera des tâches inaccessibles aux intelligences artificielles d’ici quelques années. À croire que, comme internet ou les smartphones, ces nouveaux algorithmes génératifs vont inéluctablement révolutionner nos façons de vivre, à commencer par le travail.
Pourquoi ces IA sont-elles devenues soudainement si saisissantes ? Les articles de journaux, les diagnostics médicaux, les jugements des tribunaux seront-ils bientôt produits par des algorithmes ? À quoi peut-on s’attendre quant aux prochaines générations d’IA ? Peut-on au moins éviter qu’elles renforcent les biais inscrits dans les données sur lesquelles elles sont entraînées ?
Avec Louis Béziaud, doctorant en informatique à l’université de Rennes et à l’université du Québec à Montréal sur les enjeux de respect de la vie privée et d’équité des IA.
2. Du PC à l’IA, l’informatique au service du pouvoir ?
avec Félix Tréguer, sociologue
Des débuts de l’informatique ont soufflé un vent de promesse d’émancipation et démocratisation. Pourtant, trois quarts de siècle plus tard, nous voilà à l’heure de la surveillance étatique de masse et du règne des GAFAM. Comment en est-on arrivé là ? Et comment l’intelligence artificielle, qui ne cesse de défrayer la chronique, amplifie-t-elle cette dynamique ?
Quand il a commencé à militer pour les libertés sur Internet au sein de la Quadrature du Net en 2009, Félix Tréguer, aujourd’hui sociologue, était porté par ces utopies émancipatrices. Mais il s’est « cassé les dents » sur le réel. Dans la Contre-histoire d’Internet qu’il vient de publier, ce chercheur associé au centre internet et société du CNRS, depuis peu membre salarié de la Quadrature du Net, analyse la formidable capacité de l’État à façonner la technologie dans un but de contrôle social.
3. Humains, algorithmes, une bataille des intelligences ?
avec Mathieu Guillermin, philosophe
En repoussant les frontières de ce qu’une machine est capable de faire, les nouvelles IA génératives comme ChatGPT ou DALL·E viennent questionner ce qui constitue fondamentalement l’être humain.
Celui-ci n’a plus l’apanage de l’intelligence, de l’apprentissage, de la créativité, et pourrait même risquer de devenir obsolète. Pourtant, décider collectivement de la place que l’on souhaite donner à ces IA dans nos sociétés nécessite justement de savoir ce que cela signifie que d’être humain, de mener une vie éthique et épanouie.
Cette tension est au cœur du projet international NHNAI (nouvel humanisme au temps des neurosciences et des IA) coordonné Mathieu Guillermin, docteur en physique et philosophie et maître de conférences à l’Université Catholique de Lyon. Il sera notre invité pour cette troisième soirée du cycle intelligence artificielle.
4. Une machine à renforcer les inégalités
avec Mathilde Saliou, journaliste
Le saviez-vous ? Les systèmes de reconnaissance faciale font plus d’erreurs quand on leur soumet des photos de personnes à la peau foncée que des visages blancs. Les logiciels de recrutement proposent plus d’hommes que de femmes pour les postes les mieux payés. Quant à la justice et la police dites « prédictives », elles surévaluent les risques pour les individus d’origine étrangère.
Les systèmes d’intelligence artificielle sont entraînés sur d’énormes volumes de données tirées d’Internet, or ces données, on le sait, sont biaisées : seulement 15 à 25 % des contributeurs de Wikipédia sont des femmes, par exemple. Ceux qui conçoivent ces technologies, eux, sont presque tous des hommes blancs : ne souffrant pas eux-mêmes de discriminations, ils ont tendance à minimiser celles que charrient leurs outils.
Journaliste spécialisée dans le numérique (Usbek & Rica, Numerama, NexInpact, etc.), autrice de l’essai Technoféminisme, Mathilde Saliou nous explique comment la technologie « d’avenir » qu’est l’IA entretient et renforce des discriminations que l’on aimerait voir reléguées au passé.